TRIBUNE
L’Eurovision en France : je t’aime, moi non plus !

L’Eurovision en France : je t’aime, moi non plus !

Malgré une deuxième place en 2021, deux victoires au Concours junior et des audiences au beau fixe, l’Eurovision peine à se faire aimer en France. Zoom sur une relation tumultueuse entre le grand public et la plus célèbre des compétitions musicales.

Imaginez-vous la matinée qui suit une grande finale de l’Eurovision. Vous vous réveillez, sans doute avec la gueule de bois et une voix cassée, de votre soirée entre amis. Et là, à peine vous ouvrez les réseaux sociaux que vous constatez une déferlante de publications les plus enragées les unes que les autres.

“De toute façon, c’est ringard ! Qui regarde encore ça ?” s’exclame votre oncle Christan sur Facebook. “Tout le monde le sait : on ne veut pas gagner parce que c’est trop cher à organiser !” s’étonne un compte sans photo sur Twitter. “C’est toujours les pays de l’Est qui gagnent… Ils votent tous entre eux” vous répond votre date d’il y a 2 ans sur Instagram alors que vous ne vous êtes pas parlés depuis.

Et là, une question vous vient directement en tête ? Pourquoi les Français détestent tant l’Eurovision ?

Une attitude négative vis-à-vis du Concours

Soyons honnêtes, peu de personnes diront ouvertement aimer le Concours en France… Et le peu de personnes qui le feront, l’avoueront du bout des lèvres en le comparant à un autre programme TV souvent rattaché au mauvais goût : Miss France.

Les médias de leur côté aiment tirer à balles réelles sur le divertissement numéro 1 en Europe. Rien que Libération a publié d’innombrables articles au vitriol à ce sujet. De l’explication hurluberlue de “chansons peu écoutables” à l’étonnant qualificatif “kitsch” pour désigner la double gagnante suédoise Loreen, le mythique quotidien n’y est pas allé de main morte.

Que dire de l’émission Quotidien qui chaque année joue sur les hallucinations auditives pour les chansons chantées dans des langues autres que l’anglais ?

Un succès d’audience sans enthousiasme

Avec une durée de 4 heures, la finale de l’Eurovision est un véritable marathon télévisuel. Par conséquent, garder en haleine les téléspectateurs devient un vrai challenge pour les commentateurs. Surtout lors de la fastidieuse attribution des points du jury qui dure à elle seule près de 45 minutes !

Pourtant, l’Eurovision est le divertissement le plus suivi du service public. Depuis son passage sur France 2 en 2015, il se paye même le luxe de rivaliser avec The Voice, le télé-crochet phare de la Une. En 2023, la finale en direct de Liverpool a réuni 3,4 millions de personnes pour une PDA de 25,6 %.

Malgré ces bonnes performances, l’Eurovision n’a pas le même engouement que chez nos voisins. Comme le souligne l’Eurovision au Quotidien, la dernière édition en date a réuni à peu près 5 millions de personnes en Espagne et en Italie, 8 millions en Allemagne et près de 10 millions au Royaume-Uni !

Ces différences peuvent en partie s’expliquer par des commentaires peu enthousiastes qui renforcent la méfiance et le mépris du téléspectateur lambda envers le Concours. Si le duo Bern-Boccolini n’a jamais vraiment brillé dans la cabine des commentaires, de nombreux pays ont des commentateurs brillants devenus de véritables monuments télévisuels.

On peut citer le légendaire Graham Norton outre-manche, Tony Aguilar sur la TVE en Espagne ou l’excellent tandem Måns Zelmerlöw – Edward Af Silén sur la télévision publique suédoise. Tous ont pour point commun de faire aimer le Concours aux téléspectateurs, en trouvant le juste dosage entre information, humour et suspense.

Positif n’est pas français

Il faut croire que tant qu’un artiste n’aura pas réussi à ramener le microphone de cristal à la maison, l’Eurovision souffrira de son image de vilan petit canard du Paysage audiovisuel français. En 2021, la médaille d’argent de Barbara Pravi a été entachée par des accusations de consommation de stupéfiants envers les Italiens de Måneskin.

Cette année, la cocotte médiatique dans laquelle mijotaient les spéculations envers La Zarra a explosé dès le lendemain de la finale. L’Eurofan assumé, et souvent encensé pour ses avis mesurés, Fabien Randanne parle même d’un “gâchis annoncé”.

Changement d’ambiance en Espagne. Malgré sa 17e place et son flop au télévote, l’artiste Blanca Paloma assume ses partis pris artistiques lors d’une conférence de presse organisée par la RTVE. Plus surprenant encore, l’artiste valencienne est accueillie en grandes pompes avec un concert organisé en son honneur à Madrid.

Comment rallumer le Fuego ?

Comme dirait la chanteuse-montagne Julia Salomoyova représentante de la Russie en 2018, “After the night, there’s a light”. En d’autres termes, certains signes peuvent montrer que les choses sont en train de changer au pays de l’increvable Marie Myriam.

Si Euphoria et Fuego devenus des tubes dans tout l’Europe ont été boudés en France, des chansons comme Arcade ou Snap cartonnent chez nous sur les plateformes de streaming. Il en est de même pour Voilà ou Mercy qui ont marqué la pop tricolore l’année de leur sortie.

De plus, la France peut s’enorgueillir de briller au Concours Eurovision Junior de la chanson avec quatre podiums ces cinq dernières années, dont deux victoires. Quant à Bim bam toi de Carla, seule chanson a ne pas avoir atteint le Top 3, elle s’est octroyé le titre de chanson la plus streamée de l’Histoire de la compétition junior.

Enfin, certains artistes confirmés sont prêts à se frotter à ces véritables JO de la chanson. Ainsi, cette année, Slimane et Anne Sila auraient proposé leurs services avant d’être écartés au profit de La Zarra.

S’ils sont sélectionnés à l’avenir, ils suivraient alors les pas de Noa Kirel, pop star la plus adulée d’Israël, et candidate à l’Eurovision 2023. L’interprète d’Unicorn a relevé le défi pas gagné d’avance pour se faire connaître à l’international et s’en est sortie avec une honorable 3e place.

Même s’il ne s’agit pas d’une solution miracle, la présence d’un artiste confirmé pourrait permettre de susciter de l’intérêt pour le Concours et apporter un package artistique plus assumé que les pétards mouillés de ces deux précédentes éditions.

Reste à savoir qui aura la lourde tâche de représenter “la grande France” en Suède l’année prochaine.

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